« Au-delà des décombres » de Zerocalcare

82) La rançon de la gloire (192 pg) lu en 4 fois

Synopsis:

Depuis que Zerocalcare est devenu un auteur de bande dessinée reconnu, voire adulé, son quotidien est bouleversé. Lui qui affectionnait une existence anonyme, partagée entre sorties, activités militantes et moments de création, se trouve projeté sur le devant de la scène publique. Désormais quotidiennement sollicité, il a le sentiment de ne plus avoir de prise sur sa vie et de perdre de vue ses amis. En atteste le mariage de Sanglier, qu’il apprend au dernier moment, réalisant du même coup qu’il ne l’a quasiment pas vu depuis près d’un an…

P.24

Guidé par un sentiment de culpabilité particulièrement aigu, Zerocalcare dresse de lui-même un portrait sans concession, celui d’un auteur faisant face à un succès parfois étouffant. Entre la crainte de décevoir ses lecteurs, ses proches et le poids des responsabilités qui lui incombent du fait de sa notoriété, sans jamais se départir de son humour et de son style énergique, il livre une œuvre touchante qui aborde avec légèreté des thématiques universelles liées à la trentaine, mais aussi plus spécifiquement préoccupantes quant à l’avenir des générations actuelles et futures.

(4ème de couv.)

« Il a 40 ans et sa vie est strictement organisée. Presque militairement. Chaque journée se divise selon la loi sacrée du 3×8.. 8 heures de travail. 8 heures de THC. 8 heures de sommeil. »

« Ha 40 anni e la sua vita è rigidamente organizzata. In modo quasi militare. Ogni giornata si divide secondo la sacra legge del 3×8. 8 ore di lavoro. 8 ore di THC. 8 ore di sonno. »

(description de la journée de l’Arnaque)

« Je vais me marier ici, devant tout le monde. Pour que vous sachiez tous que je suis devenu un vrai adulte avant vous. Straight in your face! Les invités déjà mariés peuvent s’asseoir à table avec nous et prendre part à nos conversations d’adultes. »

« Mi sposo qua, davanti a tutti. Cosicché tutti sappiate che sono diventato un adulto vero prima di voi. Straight in your face ! Gli invitati già sposati possono sedersi al tavolo con noi, dove intratterremo discussioni da grandi. « 

P.19 (le Sanglier)

Zerocalcare nous offre encore une fois une bande dessinée très personnelle ici, sur fond d’auto-fiction. Il nous présente ses amis sans gant et dépeint un portrait sans concession d’une génération face à des problématiques existentielles et financières dans une société en crise, qui juge quoi que l’on fasse.

Comment l’Arnaque les a tous fait évoluer autrefois, les ayant pris sous son aile, étant un peu le grand frère de la bande par son âge et aussi son expérience de la vie. Des échanges conversationnels humoristiques mais surtout sensés sur la dignité humaine et le respect de la femme, condamnant le machisme et l’homophobie et incitant à raisonner au lieu d’insulter bêtement. Zero en prenant le biais de son ami pousse à la réflexion tous ceux qui utilisent les mots qui rabaissent les femmes pour les insulter et à réfléchir davantage sur les situations de celles, qui sont obligées effectivement de se prostituer. L’empathie plutôt que le mépris.

P.81
Zerocalcare

Un auteur engagé pour la cause de ceux qui sont réprimés, opprimés ( voir « Kobané calling »), qui culpabilise d’avoir alors que d’autres n’ont rien, alors qu’il ne doit rien à personne (il vient de Rebibbia, un quartier romain difficile où il a évolué du mieux qu’il a pu) et il défend la cause des femmes et des jeunes aussi. Il répond présent quand ses amis ont besoin ainsi que toute association ou évènement, qui le sollicitent. Et il n’hésite pas à se mettre à nu pour montrer ses failles loin de se mettre en avant. Un artiste tourmenté et concerné, que j’apprécie de plus en plus.

« Celui qui manque de tout, n’a besoin de rien »

Zero raconte les revers du succès, l’impossibilité de rester anonyme, serein et de maîtriser sa vie. Ses démons prennent forme sous nos yeux. Personnifiés par des créatures aussi fantasques qu’oniriques. Zero échange avec un tatou imaginaire, stresse quand il ne le voit pas. Sa tête et son appartement sont parasités de démons et de monstres aussi effrayants qu’évocateurs (l’Arnath, le Rageusibuth, le Sangsillum, etc.).

P.157
P.72
P.173

Submergé par les demandes et les sollicitations , il a du mal à gérer sa notoriété et se sent redevable. Lui a réussi alors que ses proches galèrent toujours. Certains hôtes aux formes diverses l’accablent tandis que d’autres tentent de le débarrasser de sa culpabilité. Zero nous raconte son quotidien, la rançon de la gloire, ses pensées intimes, comment ses amis le parasitent, avec beaucoup d’humour. Et il dépeint sa génération, trentenaires nés dans les années 80, dans la société italienne, sur fond de crise sociale. Le lecteur né dans les années 80 retrouvera plusieurs références communes à nos deux pays avec plaisir.

p.173
P.173

« Les gars, que ce soit clair, je ne veux vivre avec P-E-R-S-O-N-N-E. Chez moi, c’est mon trésssssor. Ma cathédrale de désolation, solitude et misanthropie. Barad-Dûr à Rebbia. »

P.164

« Au-delà des décombres » détaille aussi chaque émotion, chaque sentiment, chaque peur de l’auteur et en parallèle parle de celles d’une génération, qui va mal et ne trouve pas de sens à sa vie.

Son ami, qui se marie, angoisse à l’idée de devenir père. L’anxiété face à l’irréversible, qui revient souvent dans le livre sous la forme de l’Arnath notamment, le démon du sentiment de l’irréversible. Zero parle du poids de la famille et des proches sur les trentenaires, qui ne sont pas encore mariés, qui n’ont encore rien construit.

P.20

Les attentes, qu’ils déçoivent, année après année, socialement ou professionnellement. Il est important d’avoir une situation, de travailler, d’être en couple, d’avoir une famille. Des valeurs traditionnelles, auxquelles lui et ses amis ne répondent pas et qui sont souvent source d’angoisse. Et y répondre, en rentrant dans le rang, comme son ami le sanglier, en ajoute de nouvelles. Sera-t-on à la hauteur des responsabilités? Mais comment fait-on après? Car si on s’apercevait que , finalement, cela n’était pas la vie que l’on voulait… Plus de retour possible!!

P.66

Cet opus n’est qu’une première partie, éditée en 2018, la seconde – « Au delà des décombres, six mois plus tard. » publiée en 2019, clôt ce chapitre dédié à cette introspection apocalyptique. Pour ceux qui le souhaitent, une édition intégrale est aussi parue chez Cambourakis des deux albums combinés (photos ci-dessous).

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