« Urbi et Orbi » de Giosuè Calaciura

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47) Décadence papale ( 206 pg) lu en 1 semaine

Le titre annonce la couleur et la couverture les dessous, ce qui se cache derrière la façade religieuse. Les tromperies et toujours une histoire d’argent.

« Urbi et orbi«  est une bénédiction solennelle, prononcée par le pape à certaines occasions religieuses importantes du culte catholique, spécialement les jours de Pâques et de Noël. Elle est précédée d’un message et assortie d’une indulgence plénière. C’est peut-être d’indulgence que le narrateur nous demande de faire preuve en nous livrant ici les dessous du Vatican, entreprise mercantile et corrompue, qui trompe sans vergogne ses fidèles croyants, pénitents portants leurs péchés et désireux d’en être délivrés.

« Urbi et Orbi »,  c’est une voix anonyme s’exprimant au nom d’une bande de jeunes ecclésiastiques corrompus et sans foi, prêts à tout, dès leur ordination, pour gérer la Curie romaine comme une entreprise rentable.

« On nous ordonna prêtres et nous fûmes perdus. Le chiendent du doute avait pris racine, et pourtant nous l’avions, comme des jardiniers, coupé à chaque repousse, espérant ainsi fortifier la plante qui germait. Nous l’avions compris en traversant, pour traiter les affaires du séminaire, les sacristies des christs pantocrators bénissant qui, par incurie, perdaient des tesselles d’or de mosaïque. Nous les trouvions sous nos pieds. Nous pensâmes, Dieu nous met à l’épreuve. Nous les ramassions en cachette et, lors de nos après-midi de sortie, les remettions aux receleurs du sacré. Ils nous gratifiaient en échange de petite monnaie misérable, ce qu’il nous fallait pour les cigarettes de notre vice. Au retour, nous nous sentions coupables. Pas pour ces trafics de rien du tout mais pour l’appel des femmes qui retentissait en nous au point de nous rendre indigeste l’idée même du dîner au réfectoire. Nous nous attardions devant les vitrines du soir, sur le cours, pour regarder les employées coquettes, nous contemplions leur poitrine et le dessin de leurs formes sous les tenues de travail. » p.11

Un pape, d’origine polonaise,  avec lequel on ne peut s’empêcher de voir une étrange similitude avec la figure papale de Jean-Paul II et dont le déclin physique est d’autant plus patent et pitoyable qu’il fut un pontife sportif, énergique, faisant souffler un vent nouveau sur une Église ronronnante. Une élection, qui en a surpris plus d’un, ce prêtre surgi de sa campagne, méconnu du grand public, vêtu comme un moins que rien et venu de nulle part. Personne n’aurait parié sur lui. Et pourtant il est devenu pape à la surprise générale. Et ces ecclésiastiques qui ont perdu la foi, sont malgré eux fascinés par ce pape qui s’approche de la sainteté : en effet la geste héroïque du pontife des débuts parlant aux animaux et sillonnant le monde pour bénir ses ouailles s’est transformée en calvaire de la décrépitude d’un vieillard portant les stigmates du Christ. Le drame de leur incroyance est de ne pouvoir faire autre chose que de convertir le désir de Dieu et de transcendance en manigances mercantiles et en spectacle à faire digérer par les médias et consommer par les foules.

« Le tintement de sa résurrection se répandit à son de cloches depuis Saint-Pierre, épicentre d’un séisme. C’est de là que fut battu le rappel pour tous les clochers qui se trouvaient dans le Ciel de Rome et au-delà et qui, interrogés, répondaient le pape est sain et sauf. Et comment ça s’est-il passé ? Alors ils racontaient à travers leurs tintements, développaient des explications, se perdant dans des ruisseaux de nouvelles harmonies et de sonnailles hors de propos car les grossières cloches d’appel au réfectoire des séminaires voulaient elles aussi dire leur mot, les timides carillons aux portes des curés s’unissaient également à cette merveille acoustique, enfin même les clochettes de messe qui accompagnent la célébration ne purent se retenir et, tintinnabulant, ourlaient à l’or fin le tintement des cloches. »

Une critique acerbe du système mercantile et hypocrite exercé au sein du Vatican par les prélats et dignitaires religieux sensés représenter les valeurs même de la religion. Une écriture reconnaissable parmi toutes, la plume de Giosué Calaciura est particulière, sans concessions. Il nous emmène dans l’Italie des croyants et des incroyants, dans le carré des privilégiés et nous raconte cette farce mais aussi cet homme solaire, entouré d’une auréole – un saint? – qu’était le pape, catholique convaincu, jamais corrompu, qui lui  voulait insuffler des valeurs d’altruisme, d’économie, de frugalité et d’honnêteté autour de lui. Il nous conte ses dernières années de décrépitude où on le manipule, l’utilise comme un pantin, où il devient un objet de dérision, adulé par le public en dehors de l’enceinte du Vatican mais moqué et exploité par des êtres sans pitié dans l’enceinte du Vatican, par des êtres endurcis dans le péché et prêts à tout pour s’enrichir et se divertir.

C’est très bien écrit. Cette fiction qui s’inspire du réel est peut-être trop longue à mon goût. Je n’ai pas été transportée. Après le contexte actuel du covid (le manque d’espace pour lire tranquillement) joue aussi son rôle. Un livre bien écrit mais je suis passée à côté.

 

Édité en octobre 2017 en France, 2006 en Italie

 

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