« Le livre des Baltimore » de Joël Dicker

61) Sans consistance (600 pg) lu sur 3 semaines en dilettante

Un calvaire! Pour arriver au terme de ce livre, j’ai dû me faire violence. Il ne s’agit pas de ce que l’on ressent à la lecture de ce dernier mais plutôt de l’absence d’émotion. Un vide sidéral. Joël Dicker a voulu trop en faire et ça se ressent. Il essaie de nous tirer des larmes. Sans succès. L’écriture est trop plate, ennuyeuse, trop descriptive et sans finesse. Son grand succès « La vérité sur l’affaire Harry Quebert«  (Prix Goncourt des Lycéens adapté à l’écran en 2018 par Jean-Jacques Annaud) s’il ne m’avait pas convaincue et déçu par sa chute, il m’avait au moins captivée par son intrigue. Mais là, il aurait dû s’abstenir. Et sa vision du succès à l’américaine, qu’il nous assène tout au long du roman, à travers les yeux du narrateur. Un homme ne peut s’épanouir qu’à travers la réussite financière. Il nous sert des descriptions à rallonge de propriétés, d’hôtels luxueux ennuyeuses à mourir.

Joël Dicker, Kiwibook.fr

« Dans vingt ans les gens ne liront plus. C’est comme ça. Ils seront trop occupés à faire les zozos sur leur téléphone portables »

P.168

« Les enfants de vos enfants regarderont les livres avec la même curiosité que nous regardons les hiéroglyphes des pharaons. « 

P.168

« Ils vous diront: « Grand-père, à quoi servaient les livres? » et vous leur répondrez: « A rêver. ou à couper des arbres, je ne sais plus. » A ce moment là, il sera trop tard pour se réveiller: la débilité de l’humanité aura atteint son seuil critique à cause de notre bêtise congénitale. »

P.168

« Désormais les gens veulent de l’image! Les gens ne veulent plus réfléchir, ils veulent être guidés! ils sont asservis du matin au soir et quand ils rentrent chez eux, ils sont perdus […] Heureusement il y a la télévision. L’homme allume, se prosterne et lui remet son destin. Que dois-je manger, Maître? demande-t-il à la télévision. Des lasagnes surgelées! lui ordonne la publicité. « 

P.169

De quoi parle ce roman?

Marcus est le même Marcus que celui de l’affaire Harry Quebert, cet écrivain qui a réussi. Là, il nous parle de sa famille. L’histoire croisée des membres de la famille Goldman, dont les choix de vie de chacun d’entre eux les ont menés vers deux directions opposées. D’une part, les Goldman-de-Montclair, dont est issu Marcus Goldman, sont une famille de la classe moyenne, habitant une modeste maison à Montclair , dans le New Jersey. D’autre part, Les Goldman-de-Baltimore, une famille prospère à qui tout sourit, vivant dans une luxueuse villa d’une banlieue riche de Baltimore.

 Au gré des souvenirs de sa jeunesse, Marcus revient sur la vie et le destin des Goldman-de-Baltimore et la fascination qu’il éprouva jadis pour cette famille de l’Amérique huppée, entre les vacances à Miami, la maison de vacances dans les Hamptons et les frasques dans les écoles privées. Famille composée de sa tante Ursula, médecin et très jolie femme douce et toujours bienveillante, de son oncle Saul ,grand avocat renommé et de son cousin Hillel, esprit brillant avec lequel il s’entendait à merveille. Bientôt rejoints par un autre membre. Marcus leur voue une admiration sans borne. Mais les années passent et le vernis des Baltimore s’effrite jusqu’au jour où un drame vient tout bouleverser. Et cette question qui hante Marcus depuis : qu’est-il vraiment arrivé aux Goldman-de-Baltimore ?

« – C’est agréable d’être célèbre. Non?

La célébrité n’est qu’un vêtement, Sycomorus. Un vêtement qui finit par être trop petit, trop usé ou que tu te feras voler. Ce qui compte avant tout, c’est ce que tu es quand t’es tout nu. « 

P.429

Au début du roman, il nous parle d’un drame, qui a fait tout basculer. Un coup de fil de son oncle qui lui intimait de le rejoindre mais on ignore la suite. On pense devoir patienter pour apprendre davantage mais pas autant. Le roman est composé en 6 parties: 5 parties nommées livres et un épilogue. Arrivé à la 4ème partie, page 455, on accède au  » livre du drame (2002-2004) », on pense découvrir enfin les faits et la raison du drame mais le suspense continue sur 83 pages. Pour ma part, j’avais terriblement envie d’abandonner , convaincue que cela ne pouvait pas s’améliorer le dernier tiers. Ce chapitre, on apprendra un autre drame mais qui sera alors entouré de mystère. La mort d’un personnage dans des circonstances tellement rocambolesques et peu crédibles… Et le mystère autour… On se doute d’un quiproquo. C’est pour ainsi dire cousu de fil blanc. Le lecteur se doute qu’il y a méprise. Et concernant notre drame n°1, le voile disparait mais seulement aux dernières pages (p.535-538) dans le dernier chapitre intitulé « 24 novembre 2004 -le jour du Drame ».

L’attente pour le dénouement est un procédé classique mais ici, on s’ennuie et on s’en serait passé. Les raisons qui amènent au drame sont pour moi peu crédibles, liées à une affaire précédent le Drame et connaissant le milieu des antagonistes, c’est-à-dire, puissants et riches, on n’y adhère pas. Si encore ils avaient été sans protection mais ce n’est pas le cas.

Un autre mystère présent dans le livre: comment et pourquoi l’oncle Saul a-t-il financé le Stade de Madison? Un homme, qui est connu pour sa modestie et aide les plus démunis dans l’ombre alors que là, le stade porte son nom. Cela ne lui ressemble pas.

Tout le roman est comme ça. Il manque de réalisme et il n’appartient pas au registre du fantastique pour autant. Joël Dicker, par exemple, nous entraîne sur la piste de l’Oncle Saul, qui est le fils préféré pendant toutes les années où Marcus et son cousin Hillel passent des vacances chez leurs grand-parents. Puis il change l’histoire et Marcus découvre que Nathan, son père, était le favori. Tout s’inverse. Malgré les éléments avancés pour étayer la théorie, c’est du grand n’importe quoi!

Des passages sont exagérés, poussés à l’extrême comme dans les scènes à l’école de violences ou la scène libidineuse surprise par Hillel entre ses professeurs à laquelle on ne croit pas une seconde. Mais une scène (ci-dessous) m’a choquée particulièrement, je l’ai trouvée déplacée. Les personnages sont à l’enterrement d’un proche. L’un a perdu un jeune frère et l’autre un ami.

« Elle était vêtue de noir […] Je la trouvai tellement belle que j’eus cette envie érotique de lui embrasser la paume. Je le fis. Et comme elle ne retira pas sa main, je recommençai. Je lui baisai le dos de la main, chacun de ses doigts. « 

P.248

Et beaucoup de vulgarités auraient pu être omises sans rien enlever au récit. « Ce putain de Marcus Goldman! s’écria Woody » (P.285).

L’idylle ou son absence est aussi ridicule entre les protagonistes et l’auteur insiste lourdement sur l’admiration conjointe des garçons pour une seule et unique fille. La jalousie est aussi très présente à tous les niveaux mais chez notre narrateur, cela en devient guimauve et niais, on se croirait dans un épisode du Club des cinq ou pire dans un mauvais sitcom comme « Hélène et les garçons ».

« Markikette, je voulais te dire… ça me fait plaisir de te revoir. J’espère que tu n’es pas mal l’aise car je ne le suis pas. Je suis contente de voir que nous pouvons rester amis.

J’eus une moue boudeuse. Personne n’avait parlé d’être amis. « 

P.295

Et j’étais affligée par les dialogues, le tenant des échanges. L’homme qui offre des bières aux mineurs et son attitude paternaliste. Ces garçons n’ont rien fait encore de leur vie mais se prennent pour des surhommes, ce discours est excessif (cf. citation ci-dessous). Après ils embarquent sur une discussion enflammée sur les filles, le sport puis embrayent sur la politique et un vers de Shalespeare. C’est surfait.

« Vous êtes déjà des hommes, au fond. C’est une fierté de vous connaître. »

P.297

Six cent pages dont on ne voit jamais la fin. Même parvenue à la 595ème, j’avais hâte de refermer ce livre. Même ses fans -pour avoir échangé avec l’un d’entre eux- n’ont pas aimé. J. Dicker aurait dû se concentrer sur une thématique comme celle du harcèlement scolaire vécue par l’un des personnages principaux ou sur les rivalités familiales mais non, son livre est un fourre-tout!

Il y traite d’amours contrariés, de rivalités à tous les niveaux (fraternels, amicale, père/fils, entre pères, etc.), de violence conjugale (Colleen et Luke), de harcèlement scolaire (Hillel), d’abandon parental (Woodrow), d’injustice, de réussite, de trahison, d’adoption, de maladie (Scott), de mort, d’adoption, d’amour(Alexandra), de baseball, de corruption, de détournement d’argent, de tragédies..Trop, il a aussi voulu créé un mystère entouré d’autres mystères mais quand c’est trop tiré par les cheveux et pas suffisamment crédible, les lecteurs n’adhèrent pas toujours. Cela manque même parfois de cohérence.

Pour résumer, quelques rares éléments intéressants malgré tout mais un livre à éviter absolument selon moi. Pas abouti. Mal écrit. Pas captivant du tout. J’ai lu en 2 jours « Pour vous servir » de Véronique Mougin et si je n’ai pas adoré, il aura, au moins, eu le mérite de me divertir à l’inverse du livre des Baltimore. Oserai-je relire Joël Dicker un jour? Pas dans l’immédiat, c’est certain.

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