« Le chapeau de Mitterrand » d’Antoine Laurain

66) Un chapeau pas ordinaire (224pg) lu en deux fois

Ce livre est une vraie surprise. Je m’attendais à un roman de gare divertissant mais sans plus. La bibliothécaire me l’avait fortement recommandé, je l’avais pris malgré moi. Avant de l’ouvrir, il m’a fallu plus d’un mois!! J’étais toujours davantage attirée par une autre lecture. Puis, faute de choix, vendredi à la nuit tombée, une fois la maison endormie, je l’ouvre juste pour voir. Je n’ai pas pu le lâcher avant une heure très avancée… S’il n’y avait pas eu un lever aux aurore prévu pour notre expédition vendéenne, je l’aurai lu d’une traite. Le lendemain, j’ai poursuivi ma lecture sans en rater une miette.

« Le chapeau de Mitterrand » est un livre inattendu.
Rempli d‘humour et de références à une autre époque, il nous fait revivre les années 80, celles où le président Mitterrand était au pouvoir (deux septennats:1981 à 1995), celles où Chirac n’était encore que ministre, le début de la télé câblée avec Canal + (1986-87), du club Dorothée, la France de Bernard Tapis, de Jacques Séguéla, d’Yves Mourousi, de Serge July, de Jaques Lang, des Rita Mitsouko, de Mylène Farmer, de Jean-Michel Basquiat, du Paris d’un autre temps.

« In this case » de basquiat

Michel Drucker animait Champ-Elysées sur Antenne 2 et Arditi enchaînait les long-métrages devenant un acteur familier des français.

Drucker et Johnny, émission « Champ-Elysées »

Laurain nous rappelle la politique à l’époque de Margaret Thatcher, d’Helmut Kohl, de Reagan et de Gorbachev… Une période où on voyait rarement les politiciens en dehors de photos volées par des paparazzis. Le président apparaissait à l’écran annuellement et c’était tout. L’auteur évoque les grands évènements de l’époque avec humour, le nuage de Tchernobyl, qui se serait arrêté à la frontière. Antoine Laurain fait également allusion à Mazarine Pingeot, la fille cachée de Mitterrand.
Un livre où on voyage donc dans les années 80 et qui vous met de bonne humeur.
On y suit les péripéties d’un chapeau pas comme les autres et de ceux et celles qui le coiffent. Quatre personnages dont on va suivre les aventures avec délice et amusement.

Antoine Laurain

Tout commence à Paris, dans une brasserie, un soir d’automne 1986. Daniel Mercier profite de sa dernière soirée de célibataire avant le retour de sa famille pour s’offrir un somptueux repas en solitaire: un plateau de fruits de mer accompagné du meilleur vin. Quand, il n’en croit pas ses yeux, un illustre convive s’installe à la table voisine. François Mitterrand dîne en compagnie de Roland Dumas et Michel Charasse. Une fois le repas terminé, il repart. Daniel remarque alors qu’il a oublié son chapeau. Il hésite. Lui rapporter mais il a disparu ou le garder en souvenir de cette magnifique soirée? Il opte pour la seconde option sans imaginer que toute son existence va en être bouleversée à jamais.

 » Les évènements importants de nos vie sont toujours le résultat d’un enchaînement de détails infimes »

P.28

En coiffant ce chapeau de feutre, Daniel se sent différent et cela va tout changer. Hélas, un jour il oublie le précieux fétiche dans un train. Après Daniel, c’est Fanny Marquant qui va se l’approprier. Secrétaire à l’hôtel des impôts du Havre, elle vit une relation décevante avec un homme marié et écrit des nouvelles qu’elle soumet à des concours d’écriture. Pour elle aussi, cet objet va infléchir le destin.

 » A vingt-sept ans Fanny avait accédé au statut de maîtresse. La promotion éventuelle au statut de femme officielle restait en suspens, tout comme celle qui la verrait secrétaire de direction à l’hôtel des impôts. Concernant celle-là son dossier était en cours, on le « considérait attentivement ». Le dossier de sa vie en était au même stade, Edouard, lui aussi, le « considérait attentivement », avec une inertie voisine de celle de la fonction publique. »

P.52

Mais comme s’il était destiné à voyager, le chapeau va encore changer de propriétaire. Pierre Aslan va découvrir le chapeau dans un parc et être troublé par son parfum, lui qui est un nez célèbre dans la profession. Le chapeau va ainsi faire plusieurs rencontres et influer sur la vie de ces français en recherche d’un second souffle. Est-il un prétexte au changement de ces hommes et de cette femme esseulée ou a-t-il un réel impact? Cela reste mystérieux et l’on en est que davantage captivé. Notre quatrième personnage, Bernard Lavallière, bourgeois parisien du XVIème arrondissement et de droite de père en fils, comme une valeur indiscutable, verra ses convictions voler en éclats.
Un chapeau magique? Habité par l’esprit du chef de la nation?

 » Un prince bien avisé ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet accomplissement lui serait nuisible, et que les raisons qui l’ont déterminé à promettre n’existent plus : tel est le précepte à donner. »

Bernard citant Machiavel, p.151

« Il ne serait pas bon sans doute si les hommes étaient tous gens de bien, mais comme ils sont méchants, et qu’assurément ils ne vous tiendraient point leur parole, pourquoi devriez-vous tenir la vôtre?

Machiavel, p.151

« Toutes ces punaises à l’esprit étroit, accrochées à leurs convictions comme la moule à son rocher. Cette charge qu’il effectuait contre tous les principes qui avaient été le siens et qu’il voyait désormais tomber les uns après les autres lui donnait des ailes. »

P.163
François Mitterrand

« Un chapeau donne à celui qui le porte une autorité sur celui qui n’en porte pas »

(Tristan Bernard) P.38

Tout part donc d’ un chapeau oublié. Quatre destins influencés. Un voyage, qui vous fait sillonner la France et même partir à l’étranger mais je vous laisse découvrir. En plus de nous offrir une intrigue originale, empruntant au surréalisme, l’histoire est pleine de rebondissements. La chute est étonnante. On est surpris jusqu’au bout.

Pour ceux qui apprécieraient, le livre a même été adapté en téléfilm en 2016 par Robin Davis avec Frédéric Diefentahl, Frédérique Bel, Michel Leeb , Roland Giraud . Il a également reçu le Prix Landerneau et le Prix Relay des voyageurs 2012.

L’adaptation à l’écran avec Frédéric Diefentahl

Un coup de cœur que je vous conseille sans hésiter. Un ouvrage sans prétention mais quel plaisir à lire! Rafraîchissant et captivant, alliance parfaite.

« Chaque choix que nous faisons dans nos vies crée un nouvel univers qui n’annule pas pour autant le précédent. Notre vie serait un arbre cachant une forêt de vies parallèles où nous ne serions ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. »

4 commentaires

  1. Merci pour cette chronique enthousiaste. J’ai lu ce livre il y a quelques années, et vu le téléfilm. J’ai oublié une bonne partie de l’histoire.
    Tu me donnes donc envie de m’y replonger.
    J’ai bien noté qu’il fallait prévoir plusieurs heures d’affilée pour le lire d’une seule traite !
    🔆🕵️
    PS. J’aime la présentation de tes articles : ces images, ces couleurs… c’est agréable à lire.

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    • Bonjour Nina,
      Oh, il ne faut pas tant d’heures que cela mais j’avais commencé la lecture minuit passé. J’aime lire la nuit, profitant du silence pour m’absorber complètement dans l’atmosphère d’un roman. J’ai dû lire jusqu’à 2h du matin et arrêté à regret. Je l’ai terminé sur la route Vannes/Challans. Trois- quatre heures suffisent, je pense. Mais oui, mieux vaut avoir sa matinée ou sa soirée devant soi.
      Et je te remercie pour tes compliments, ils me vont droit au cœur. Je passe du temps (parfois davantage qu’à lire le livre) à rédiger mes critique, à faire des recherches autour de l’ouvrage alors je suis touchée que cela soit apprécié. On doute toujours.
      Merci,

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